Mafia
le discours sécuritaire à l’épreuve des faits[1].
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Michel Kokoreff
Sociologue, chercheur au Césames (CNRS-Paris V)
Un spectre hante actuellement le discours sécuritaire sur les phénomènes de délinquance, celui de la “ mafia ”. Nombre d’acteurs (politiques, institutionnels, sociaux) et d’experts en matière de sécurité intervenant dans le débat public l’affirment sur le mode de l’évidence : le développement d’une économie dite “ souterraine ” dans les banlieues et les quartiers populaires engendre des formes d’organisation et un climat de “ violence ” de type mafieux. Or je voudrais montrer qu’une telle relation est plus complexe qu’il n’y paraît. Tout d’abord en suggérant brièvement comment est construite cette question. Ensuite en revenant sur quelques grandes caractéristiques des mafias, considérées dans leur complexité et leur diversité. Enfin par une synthèse de résultats d’enquêtes sociologiques et ethnologiques menées sur les trafics de drogues en milieux populaires qui attestent de l’écart qui existe entre l’ordre du discours et la réalité sociale.
Le scénario du pire comme mode de légitimation de l’action publique
Partir de l’équivalence “ économie souterraine = mafia ”, c’est faire du scénario du pire un mode de légitimation de la politique publique. Ainsi, à peine installé dans ses nouvelles fonctions, le gouvernement a martelé la nécessité de “ porter le fer dans les zones de non droit ”. “ Aller chercher et combattre les délinquants et les mafias sans attendre que les victimes donnent l’opportunité de le faire ”, “ reconquérir chaque centimètre qui a été abandonné à la mafia, à l’économie souterraine ”, telles ont été les formules utilisées par le ministre de l’Intérieur[2].
Le fait est que cette position n’est pas isolée, tant il semble y avoir consensus sur ce point question au sein de la classe politique française. Ainsi, certains ministres et