Milan kundera
Dans L’Art du roman Kundera annonce sa manière de créer les personnages : Car rendre un personnage « vivant » signifie : aller jusqu’au bout de sa problématique existentielle. Ce qui signifie : aller jusqu’au bout de quelques situations, de quelques motifs, voire de quelques mots dont il est pétri. Rien de plus. (p.49)
Ce « programme » peut s'envisager à partir de deux registres. D’un côté, la formulation d’une « problématique existentielle » implique la découverte d’une logique interne qui gouverne le comportement d’un personnage. Une fois cette opération accomplie, le projet kundérien consiste à voir agir les personnages, fidèles à leur logiciel psychologique. Ils sont jetés dans des circonstances qui forment leur situation existentielle, et le projet du roman consiste à mettre sur le même plan, d’une part, l’interaction entre une situation existentielle particulière et la problématique existentielle ou logique interne générale du comportement et, de l’autre, le résultat de cette interaction qui contredit souvent les principes fondamentaux de cette même logique et, parfois, de tout le système de pensée. Autrement dit, Kundera examine des structures où les prémisses raisonnables et le comportement soumis à leur logique aboutissent à des situations équivoques. La réflexion présente se propose pour objectif une analyse d’une telle situation équivoque afin de montrer comment le texte du roman aide le lecteur, sinon le pousse, à résoudre le problème posé. Il s’agit ici pour nous du mythe du Grand Retour. Le texte en puisant dans l’inconscient collectif culturel propose la lecture de L’Odyssée aux personnages principaux. L’attente, vocalisée par Sylvie, est que cette lecture suive sa route habituelle pour en arriver à une conclusion sur la tragédie de l’Immigrant et sur ses rêves étouffés de revoir son Ithaque. Au lieu de ceci, le lecteur voit se dévoiler une lecture tout à fait personnelle de ce mythe, son appropriation par les personnages