Moliere
SGANARELLE. Vertu de ma vie, comme vous débitez ! Il semble que vous ayez appris tout cela par coeur, et vous parlez tout comme un livre.
Dom Juan vient de faire une longue tirade dans laquelle il semble avoir éprouvé le besoin de justifier son attitude en matière amoureuse. Sganarelle sans doute ne s'attendait pas à cela et sa remarque indique et sa surprise face à une telle dépense de paroles et son besoin de désamorcer le sérieux du discours de Dom Juan soudain comparé à un bon élève qui récite sa leçon.
D'où la sécheresse de ton du Maître :
DOM JUAN. Qu'as-tu à dire là-dessus ?
SGANARELLE. Ma foi, j'ai à dire..., je ne sais ; car vous tournez les choses d'une manière, qu'il semble que vous avez raison ; et cependant il est vrai que vous ne l'avez pas. J'avais les plus belles pensées du monde, et vos discours m'ont brouillé tout cela. Laissez faire : une autre fois je mettrai mes raisonnements par écrit pour disputer avec vous.
Peut-être le serviteur sent-il le danger au ton et au visage de son maître mais en tout cas il avoue son impuissance à "disputer", à débattre avec le "grand seigneur" cependant qu'il se rend bien compte que c'est surtout par l'habileté à manier la langue, à jongler avec les idées que Dom Juan réussit à convaincre, à séduire. Dom Juan est d'abord un maître du langage puisque la séduction consiste à convaincre l'autre du grand intérêt qu'on lui porte en lui parlant et en le faisant parler.
Sganarelle semble ici comprendre que ce qui semble logique (cf il semble que vous avez raison) peut être seulement une belle apparence de logique (cf et cependant il est vrai que vous ne l'avez pas), qu'il peut même y avoir une distorsion entre la prescience de ce qui est vrai et la jolie science de savoir bien parler, d'être fin rhétoriqueur : cf J'avais les plus belles pensées du monde, et vos discours m'ont brouillé tout cela.
Du reste, le beau langage fut souvent