Otto dix
À propos de la question du support de "la Guerre" de Otto Dix:
Comment, dans l'usage qu'ils font du support de la représentation, les artistes se démarquent de la tradition en s'appuyant sur elle?
"La Guerre" n'est pas une œuvre religieuse mais son support fait explicitement référence aux anciens retables d'église: l'auteur souhaite donner une dimension sacrée à une image profane.
Ce support, contrairement aux retables traditionnels ne se replie pas : nul charnières fonctionnelles, pas d'autres images possibles, escamotables. L'auteur veut que l'image reste visible en tout temps, étalée au grand jour: elle ne contient aucun secret mystique qui ne se dévoilerait qu'à des initiés, dans certaines circonstances. Au contraire, elle est conçue pour s'adresser à un large public.
Par ailleurs la forme en T du support évite l'habitude du simple rectangle mais en conserve son pouvoir de découpe franche et arbitraire. Ici, celui de trancher dans le réel pour en prélever un souvenir. Le terme « Trancher « prend un sens particulier chez Dix qui à vécu dans sa chair la « guerre de tranchée » .
L'auteur souhaite donc créer un dispositif matériel et mnémonique qui alerte, replace et maintient (10ans après)le spectateur dans le contexte de la guerre de 14-18. Ce dispositif associe le prosaïque et le sacré dans le but de conférer à l'œuvre une dimension universelle.
D'une façon autre que Courbet (dans "l'enterrement à Ornan"), en jouant sur la configuration du support (et sa taille aussi), il conditionne physiquement le spectateur afin que celui-ci puisse d'abord s'immerger dans l'œuvre avant de se projeter émotionnellement dans "l'historia", la narration du tableau, dont l'analyse plastique pourra ensuite être faite.
Comme Courbet dans "Un enterrement à Ornans", 80 ans plus tard, Dix détourne une utilisation conventionnelle du support de genre pour donner un statut hors norme à une scène du quotidien. Ce type de démarches qualifiées de "modernes"