passport
Il fut un temps où l’argot, à l’origine « le jargon du royaume d’Argot », c’est-à-dire la langue des voleurs, était classé dans le « bas », le « mauvais langage ». C’est ainsi qu’un certain Étienne Molard à l’égard duquel la postérité s’est montrée d’une redoutable ingratitude, commettait, en 1805, un Dictionnaire grammatical du mauvais langage ou Recueil des expressions et des phrases vicieuses usitées en France, et notamment à Lyon. Nous sommes à l’aube d’une époque où fleurissaient des dictionnaires d’argot. L’intention de départ était de mettre en garde les gens du monde contre les voyous. C’est dans les Mémoires de Vidocq, parues en 1827, et dans Les voleurs, publiés en 1837, où l’ex-bagnard devenu chef de la brigade de sûreté de la préfecture de police, consacre à l’étude de l’argot une partie de son livre, qu’Eugène Sue et Victor Hugo puisent copieusement pour faire parler le peuple des bas-fonds. La société se prend alors au jeu. Les bourgeois s’encanaillent en s’initiant à l’argot. On découvre que l’argot offre des trésors qui ne sont pas l’apanage de la langue soutenue. D’éminents linguistes se penchent sur lui et le dissèquent, d’autres relèvent sa créativité. L’intérêt pour le jargon des voleurs s’étend alors à tous les jargons, ceux des métiers comme les bouchers ou les typographes, ceux des écoles dont bien des cocasseries passent dans la langue commune, et ceux des armées, qu’il s’agisse des troupes coloniales ou des poilus de la Grande Guerre.
Ainsi se développe une littérature policière et populaire féconde qui, puisant abondamment dans l’argot et dans toute la gamme des jargons, enrichit le dictionnaire de mots nouveaux : sait-on par exemple que loufoque, que beaucoup utilisent aujourd’hui sans soupçonner le moins du monde son origine jargonesque, vient de la langue des bouchers de la Villette, le largonji des louchebem ? La méthode consiste à remplacer la première lettre du mot par un –l et à la renvoyer à la