Peste huis clos
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Prenons pour exemple ce morceau de cire. Sa couleur, sa figure, sa grandeur, sont apparentes; il est dur, il est froid, on le touche, et si vous le frappez, il rendra quelque son. Enfin toutes les choses qui peuvent distinctement faire connaître un corps, se rencontrent en celui-ci.
Mais voici qu'on l'approche du feu: ce qui y restait de saveur s'exhale, l'odeur s'évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd. La même cire demeure-t-elle après ce changement?
Il faut avouer qu'elle demeure. (...)
Qu'est-ce donc que l'on connaissait en ce morceau de cire avec tant de distinction? Certes ce ne peut être rien de tout ce que j'y ai remarqué par l'entremise des sens, puisque toutes les choses qui tombaient sous le goût, ou l'odorat, ou la vue, ou l'attouchement, ou l'ouïe, se trouvent changées, et cependant la même cire demeure. Il ne demeure rien que quelque chose d'étendu, de flexible, de muable.
Or qu'est-ce que cela: flexible et muable? N'est-ce pas que j'imagine que cette cire étant ronde est capable de devenir carrée, et de passer du carré en une figure triangulaire? Non certes, ce n'est pas cela, puisque je la conçois capable de recevoir une infinité de semblables changements, et je ne saurais néanmoins parcourir cette infinité par mon imagination.
Qu'est-ce maintenant que cette extension? (...) Il n'y a que mon entendement seul qui la perçoive. Sa perception n'est point une vision, ni un attouchement, ni une imagination, ...; mais seulement une inspection de l'esprit, laquelle peut être imparfaite et confuse, ...ou bien claire et distincte selon que mon attention se porte plus ou moins aux choses qui sont en elle, et dont elle est composée.
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1. Pourquoi ne pouvons-nous connaître, selon Descartes, l’essence du morceau de cire et celle d’un corps