Phèdre
puis la terrible vérité brusquement découverte : « ils n'avaient pas besoin de se cacher, ils étaient innocents (les vers 1238-1239 : c'est l'amour tel qu'elle le rêve), tandis que moi, coupable, je me cachais, je voulais mourir, je me nourrissais de ma haine (le « fiel »), je buvais mes « larmes » ; mais non : je n'osais pas même pleurer », qui se traduit, dans les vers 1237-1250, en deux tableaux opposés par les mots, les images, les rythmes.
On retrouve chez Phèdre le sentiment d'indignité intrinsèque que ressent la créature, selon le jansénisme qu'on avait inculqué à Racine à Port-Royal.
Œnone n'apporte que de bien piètres consolations à sa maîtresse (v. 1252), car elle se fait une conception très simpliste et très étriquée de l'amour.
Phèdre lui oppose la passion dont elle a rêvé : « Ils s'aimeront toujours » et, dans la tirade des vers 1252-1294, elle passe du délire à la lucidité : n'est-elle pas capable de se voir elle-même comme « une amante insensée » ? ne se demande-t-elle pas : « Que fais-je ? Où ma raison se va-t-elle égarer ? ». Elle succombe moralement sous le poids de l'horreur qu'elle s'inspire à elle-même. Dans les vers 1257-1263, sa jalousie devient furie vengeressse, au nom aussi de son orgueil (« je ne puis souffir un bonheur qui m'outrage »). Elle se veut impitoyable. Mais qui pourrait la venger ? Thésée qui en veut à ce « sang odieux » qui coule en Aricie ?