Portrait meursault
On concèdera bien volontiers que son absence de toute émotion apparente lors de la mort et de l’enterrement de sa mère peut, après tout, être perçue comme une forme de pudeur. On rappellera, de même, qu’il appelle sa mère « Maman » - signe d'affection - et non « Ma mère » et que la remarque qu’il fait lorsqu’il entend Salamano sangloter pour la disparition de son chien (« Et au bizarre petit bruit qui a traversé la cloison, j’ai compris qu’il pleurait. Je ne sais pas pourquoi j’ai pensé à maman. ») montre sa sensibilité. Mais il est vrai que la suite du roman, qui s’attache à multiplier les notations les plus insignifiantes, laisse le lecteur perplexe : quel étrange personnage que ce Meursault…
Par son goût profond des joies physiques que sont, par exemple, les bains de mer avec Marie, longuement détaillés, ou encore l’insistance à célébrer les plaisirs de l’amour avec la même Marie, Meursault marque son attirance pour une vie naturelle fondée, apparemment, sur les sensations physiques souvent mentionnées dans le roman. Un personnage sur qui, de ce fait, le physique a un fort retentissement. Ainsi son insuffisance de sommeil est-il maintes fois signalé – pour le déplorer. De même, le sentiment fréquent qu’il a de se sentir fatigué ou encore son extrême sensibilité à la chaleur et aux rayonnements du soleil signalent assez combien Meursault est un être d’instinct et de nature. Il ressort de cette première approche du personnage que sa propension aux plaisirs naturels le rend, certes, heureux, mais dénote, aussi, une apparente fragilité dès lors qu’ils ne sont pas comblés ou qu’il est amené à aller au-delà de ses