Présantation
Les Six Livres de la République et la fondation moderne de l'État profane
« Je ne parlerai que de souveraineté temporelle » (1. 9).
I. Du point de vue de sa signification philosophique, la théorie de la « puissance souveraine » est élaborée par Jean Bodin dans le but de substituer à un ordre politique fondé sur le caractère originairement sacré de la puissance (la plenitudo potestatis de la politique sacerdotale) un ordre nouveau — l'État —fondé, lui, sur la puissance profane. Ce qui caractérise la souveraineté de la puissance est sa dimension profane historique, c'est-à-dire humaine. L'État est de fondation historique et repose sur la « force et la violence » (I. 6) [1]. Dans l'État, la puissance se pose [6] elle-même, elle est cause de soi ; en un mot, elle est substantielle, elle existe et subsiste par soi. Il y a donc souveraineté si, et seulement si, la « loi de nature et de Dieu », comme dit Bodin, cesse d'être constitutive de la puissance pour devenir, tout au plus, déclarative de la puissance. C'est pourquoi, dit Bodin, le sacre des rois n'affecte pas l'essence de la souveraineté : « Combien que le Roi ne laisse pas d'être Roi sans le couronnement, ni consécration : qui ne sont point de l'essence de la souveraineté » (I. 9). C'est pourquoi aussi, quand Bodin soumet l'exercice de la souveraineté (et non point la souveraineté !) à la « loi de nature et de Dieu », il se réfère non à la tradition chrétienne, mais à la Loi mosaïque : l'État de souveraineté dont Les Six Livres... élaborent génialement la structure conceptuelle n'est pas un ordre politique chrétien, il n'est pas la république chrétienne. Dans sa structure interne, dans son concept constitutif, l'État bodinien est d'essence laïque. C'est la raison pour laquelle, au sein de l'État bodinien, toutes les confessions sont admises : Bodin appelle le Prince à la tolérance. Et, quand il s'agit de rappeler (Bodin le fait cent fois !) que le souverain est limité en puissance par « la loi