Qu'est-ce qu'une œuvre d'art ?
Dans la Critique de la Faculté de juger Kant propose une définition classique de l'œuvre d'art , à partir de l’activité créatrice qui le manifeste. L’art est humain et non pas un produit de la Nature. Si la Nature produit des effets, elle ne crée pas des œuvres. L’œuvre d’art suppose une liberté créatrice qui excède la fécondité naturelle. L’artiste crée en vertu d’un libre-arbitre, qui n’est pas la nécessité naturelle. Or, à ce libre-arbitre proprement humain est attaché l’usage de la raison et la capacité de donner une forme rationnelle à une création. Ainsi, pour Kant, « on se plaît à nommer une œuvre d’art le produit des abeilles (les gâteaux de cire régulièrement construits) mais ce n’est qu’en raison d’une analogie avec l’art, en effet dès que l’on songe que les abeilles ne fondent leur travail sur aucune réflexion proprement rationnelle, on déclare aussitôt qu’il s’agit d’un produit de leur nature (de l’instinct), et c’est seulement à leur créateur qu’on l’attribue en tant qu’art ». L’abeille produit une structure très bien faite, mais elle ne fait pas par réflexion, elle fait sans penser ce qu’elle fait et elle ne peut pas faire autre chose, car il est tout simplement dans sa nature de produire les éléments de la ruche. C’est donc seulement dit Kant par analogie que nous verrons dans les ouvrages naturels de l’animal de l’art, parce que nous ne pouvons pas nous empêcher de les penser à l’image des créations humaines. Cette analogie relèverait ainsi d’un anthropomorphisme spontané, ce qui est une forme commune d'erreur.
Il y cependant dans ce texte deux points surprenants : 1) Kant met la raison à l’origine de la création artistique. Cela se conçoit très bien dans le champ de la technique ; après tout, une invention comme la lampe halogène est un produit de nos connaissances scientifiques de la combustion et de l’électricité. Mais ce mode d’analyse convient-il à l’art ? L’œuvre d’art est-elle une élaboration de la raison ?