Créée le 1er janvier 1677, Phèdre représente l'apogée de l'œuvre tragique de Racine. Il a trente-sept ans et, depuis son premier chef-d'œuvre, Andromaque, joué dix ans plus tôt, il a écrit à peu près une pièce par an. Protégé et admiré par le roi, élu à l'Académie française en 1672, il atteint le sommet de sa carrière. C'est en cette même année 1677 qu'il va se marier avec une riche bourgeoise parisienne et qu'il sera nommé, avec Boileau, « historiographe du roi ».Désormais, Racine n'écrira plus de tragédie. Il partagera sa vie entre sa charge officielle à la Cour et sa famille. Ce n'est qu'à la fin de sa vie que, à la demande de Mme de Maintenon, il acceptera d'écrire deux pièces chrétiennes, Esther (1689) et Athalie (1691), à des fins pédagogiques, pour les jeunes filles pensionnaires de Saint-Cyr.Pour réussir, Racine a su rompre des alliances et intriguer. Il s'est vivement opposé à son vieux rival Corneille. Il s'est attiré des intimités et des jalousies au point que la Voisin, lors de l'affaire des poisons, l'accusera d'avoir fait mourir son actrice et maîtresse, la Du Parc. Phèdre est l'occasion, pour les ennemis et rivaux de Racine, d'organiser contre lui une « cabale ». Bref, à tous égards, Phèdre est l'œuvre clé de Racine - et lui-même y vit son chef-d'œuvre, un aboutissement.Phèdre reflète en tout cas les spécificités du tragique racinien, toutes poussées au paroxysme. La passion y est féroce et inadmissible (l'inceste). Les conflits y opposent des êtres que tout devrait unir. Le mal s'y donne libre cours. Le destin s'acharne contre les créatures, aveugles, égarées dans le labyrinthe, obsédées par une fuite impossible. Le pessimisme est extrême et chacun n'attend que la mort ou le sacrifice, tout en restant lucide sur la folie où il est plongé.Racine, formé à l'école du jansénisme, puis obligé de se frayer un chemin dans une société sans pitié, convaincu que l'homme est le jeu des passions et de la volonté de puissance, a concentré dans Phèdre, une