Raymond cartier : le cartiérisme
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En Afrique noire, la France paie. Elle assume sur le budget métropolitain la solde des gouverneurs, des administrateurs, des magistrats, des gendarmes. Elle fait les frais de la météorologie, du service géographique, des stations de radio, de l'infrastructure aérienne et des principaux aéroports. Elle pourvoit à la totalité des dépenses militaires, lesquelles s'élèvent à 50 milliards pour l'ensemble des territoires d'outre-mer. Elle couvre le déficit des devises, étanche les déficits budgétaires, subventionne dans des proportions croissantes la plupart des produits coloniaux. Le coton qu'on s'obstine à faire pousser au Tchad, dans les conditions les plus antiéconomiques, coûte à la métropole une surcharge de deux milliards, sans compter le mécontentement des indigènes qui détestent cette culture et ne s'y astreignent que sous la pression administrative. Il n'est pas facile de faire l'addition de ces charges multiples dissimulées dans de nombreuses écritures différentes. Les estimations concordent à peu près sur 70 à 80 milliards, dont plus de la moitié pour l' AOF. C'est, dit un rapport du Haut-Commissariat, le « don annuel » de la France à ses enfants africains.
J'ai voulu savoir ce que les enfants africains pensent de cette largesse. Un médecin nationaliste togolais m'a reproché le super·hôpital de Lomé en me disant que la France multiplie des réalisations coûteuses pour maintenir dans la sujétion des territoires dont elles excéderont les forces. Un sénateur du Dahomey m'a dit que les investissements français ne sont pas très intéressants, puisque 18 % seulement des sommes dépensées restent en Afrique. Il a paru surpris quand je lui ai fait remarquer que les constructions y restent aussi, mais il s'est bien rattrapé en rétorquant qu'elles ne correspondent pas aux besoins africains, qu'elles sont dictées par des considérations politiques et qu'elles servent surtout aux Européens. La réponse générale est la suivante: «Vous n'avez rien fait aussi longtemps que vous