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me donna pour me prouver que non ? C'eSt: que, tandis que tous les malades de l'établissement avaient la manie de prendre leur poids, au point qu'on avait dû mettre un
· cadenas à la balance pour qu'ils ne passassent P:i!-li toute la journée à se peser, lui on était obligé de le fdrcer à monter sur la bascule, tant il en avait peu, envie. Il triomphait de n'avoir pas la manie des autres, sans penser qu'il avait aussi la sienne et que c'était elle qui le préservait d'une autre. Ne soyez pas blessée de la comparaison, madame, car cet homme qui n'osait pas tourner le cou de peur de s'enrhumer eSt: le plus grand poète de notre temps. Ce pauvre maniaque eSt: la plus haute intelligence que je connaisse. Supportez d'être appelée une nerveuse.
Vous appartenez à cette famille magnifique et lamentable qui eSt: le sel de la terre. Tout ce que nous connaissons de grand nous vient des nerveux. Ce sont eux et non pas d'autres qui ont fondé les religions et composé les chefs-d 'œuvre. Jamais le monde ne saura tout ce qu'il leur doit et surtout ce qu'eux ont souffert pour le lui donner.
Nous goûtons les fines musiques, les beaux tableaux, mille délicatesses, mais nous ne savons pas ce qu'elles ont coûté à ceux qui les inventèrent, d 'insomnies, de pleurs, de rires spasmodiques, d 'urticaires, d 'aSl:hmes, d'épilepsies, d'une angoisse de mourir qui eSt: pire que tout cela, et que vous connaissez peut-être, madame, ajouta-t-il en souriant à ma grand-mère, car, avouez-le, quand je suis venu, vous n'étiez pas très rassurée. Vous vous croyiez malade, dangereusement malade peut-être. Dieu sait de quelle affection vous croyiez découvrir en vous les symptômes.
Et vous ne vous trompiez pas, vous les aviez. Le nervosisme eSt: un paSticheur de génie. Il n'y a pas de maladie qu'il ne contrefasse à merveille. Il imite à s'y méprendre la dilatation des dyspeptiques, les nausées de la grossesse, l'arythmie du cardiaque, la fébricité du tuberculeux.
Capable de