Ces trois textes dénoncent chacun à sa manière et à un degré différent, les comportements égoïstes de privilégiés à l’égard de ceux qui le sont moins. Ces égoïstes sont: un noble (Gnathon) chez La Bruyère qui dénonce les perversions morales de la noblesse au XVIIe siècle ; une femme de la noblesse (elle circule dans « une berline armoriée ») chez Hugo qui plaide pour un monde plus juste ; la société de consommation tout entière chez Prévert (« le monde se paye sa tête ») et le lecteur lui-même à travers elle. On observe une évolution au fil des siècles : si La Bruyère semble vouloir distinguer le comportement égoïste de Gnathon parmi ses pairs, Hugo, lui, montre du doigt une classe tout entière qui domine et maltraite le peuple sur la seule base de privilèges injustifiés. Chez Prévert, plus question de monarchie, de noblesse et de privilèges innés : c’est la société démocratique et républicaine contemporaine qui produit un égoïsme de masse.
Dans les textes de Hugo et de Prévert, on observe que les personnages victimes de l'injustice ont tous deux été poussés au crime par leur situation: vol chez Hugo ("le peuple disait autour de lui qu'il avait volé ce pain") et même meurtre chez Prévert (" Un homme très estimé dans son quartier a été égorgé en plein jour"). Ces deux textes recourent au registre pathétique pour susciter la compassion du lecteur à l'égard du pauvre homme. Ainsi Hugo le décrit d'une énumération: "blond, pâle, maigre, hagard" illustrant sa détresse tant physique que psychologique. Prévert nous rappelle "cela fait trois jours qu'il n'a pas mangé" comme une sentence au coeur du poème (vers 26), le chiffre trois est répété trois fois dans les vers suivants comme pour bien faire prendre conscience au lecteur de ce que cela signifie.
Ces trois textes ont encore en commun d’emprunter des formes originales. Il n’y a aucun essai de sociologie ou de psychologie mais plutôt un portrait et deux apologues. La Bruyère, dans son œuvre, Les Caractères, utilise la