L’exécution de Renart allait avoir lieu, n’en déplaise à qui que ce soit1, si le roi n’avait pas regardé en bas de la plaine où il vit une troupe à cheval dans laquelle de nombreuses dames étaient affligées. C’était la femme de Renart qui traversait un essart2, juchée3 sur sa monture. Elle chevauchait rapidement et était en proie à une grande douleur. Ses trois fils n’étaient pas en reste et ils ne traînaient pas en route malgré les manifestations de leur désespoir. Ils tiraient, s’arrachaient les cheveux, se déchiraient leurs vêtements, ils faisaient tant de bruit qu’on pouvait les entendre une lieue à la ronde. Ils chevauchaient à bride abattue4 malgré la charge que transportaient les chevaux : ils amenaient avec eux des richesses pour racheter Renart. Avant même que celui-ci se soit confessé, ils fendent la foule et se jettent aux pieds du roi. Dame Hermeline commence : « Sire, pitié pour mon époux, au nom de Dieu le créateur. Je vous donnerai tout ce que je possède si vous lui accordez votre grâce. » Noble le roi observe le trésor d’or et d’argent qui était devant lui avec une grande convoitise5. Il répond : « Dame, par la foi que je vous dois, je dois avouer que Renart n’a pas mes bonnes grâces, il a tant porté préjudice6 à mes barons que nul ne pourrait tout vous raconter. C’est pourquoi je dois les venger. Comme il refuse de faire amende honorable7, il a bien mérité qu’on le pende. C’est ce que réclament mes barons et si je veux être honnête envers eux, je dois appliquer ce verdict8. — Sire, au nom du Dieu en qui vous croyez, pardonnez-lui pour cette fois, supplie Hermeline. — Pour l’amour de Dieu et au nom de l’estime que j’ai pour vous, je lui pardonne ses torts. Mais Renart vous sera rendu à cette seule condition : au premier méfait, il sera pendu haut et court.