Rêve et ambition
Chacun rêve de réussir sa vie, il s’agit d’une ambition légitime et universellement partagée comme le souligne Paul Valadier dans un article du numéro 1 de la revue Études publié en 2008. Et cela n’est d’ailleurs pas nouveau : Émile Zola avait déjà fait de l’ambition de l’un de ses personnages, Octave Mouret, le cœur de son roman Au Bonheur des Dames publié en 1883. Plus récemment, deux chansons françaises très populaires ont abordé le même thème : Charles Aznavour en 1960 en s’inspirant de son ambition de jeune chanteur dans « Je m’voyais déjà » et le groupe Téléphone, en 1984, en insistant plus sur la dimension utopique du phénomène. À la suite de P. Valadier qui s’interroge dans son titre sur la nécessité de réhabiliter l’ambition, on peut dès lors se demander si l’ambition doit toujours être considérée comme une manifestation positive de notre capacité à rêver. On se penchera sur les problèmes que posent un excès d’ambition ou l’imparfaite satisfaction de nos aspirations. Mais on envisagera aussi ce que l’ambition peut apporter de positif.
L’ambition a, souvent à juste titre d’après P. Valadier, très mauvaise réputation. On reproche aux ambitieux leur matérialisme et leur égoïsme. Leur volonté de réussir les conduirait à mépriser leurs semblables. En fait, d’après P. Valadier, les gens très ambitieux privilégient tellement leur propre succès qu’ils ruinent en fait les valeurs sur lesquelles la société repose. Émile Zola a lui aussi constaté cette dérive dans son roman Au Bonheur des Dames : pour réaliser son rêve de succès commercial, le personnage d’Octave Mouret en vient à dépersonnaliser les femmes qui fréquentent son immense magasin. Il ne considère plus ses clientes que comme les membres d’un culte dont il serait le chef, il n’envisage pas les femmes comme des individus mais comme une masse informe, presque comme un troupeau d’animaux. Le protagoniste de la chanson « Je m’voyais déjà » est lui aussi tellement obnubilé par son rêve de