Sénèque les Bienfaits
À la question de savoir si la générosité peut être désintéressée, le stoïcien Sénèque répond, dans cet extrait de l’ouvrage Les Bienfaits, que si l’on peut tirer une satisfaction à faire le Bien, l’intérêt reste secondaire par rapport à ce que pourrai être un « vil calcul » ; en ce sens la morale elle-même peut être désintéressée.
Pour établir sa démonstration, Sénèque commence par un raisonnement par l’absurde qui rend intenable toute position utilitariste. Il nuance ensuite son propos expliquant que s’il existe un plaisir à être généreux, cela ne fait pas du don une activité systématiquement intéressée. Enfin, il conclut en illustrant sa thèse avec l’action du mourant qui fait son testament et qui, de toute évidence, ne peut en tirer de bénéfice.
1. L’hypothèse d’une générosité par calcul est intenable
A. L’hypothèse utilitariste
L’utilitarisme fait de l’utilité le critère principale de l’action morale : une action ne serait bonne que dans la mesure où elle s’associe à un avantage personnel. La philosophie épicurienne à laquelle s’oppose Sénèque dans ce texte prétend concilier vertu et plaisir, c’est un hédonisme : la générosité doit et peut exister pour le propre plaisir de celui qui la pratique.
Or la générosité, par définition, désigne l’attitude de celui qui donne volontiers. Chez Descartes, la générosité correspond même à la conscience du bon usage que l’on peut faire à l’infini de sa volonté. Cette vertu morale serait la clé de toutes les autres, car elle indique que l’on peut toujours sacrifier ses intérêts égoïstes au nom du Bien.
B. Réfutation
Elle s’oppose ainsi au « vil calcul » d’une action faite par intérêt que dénonce ici Sénèque. En effet, être généreux pour se procurer égoïstement des avantages est une contradiction. Sénèque va donc