Sengor
Ethiopiques n°72.
Littérature, philosophie, art
1er semestre 2004
Auteur : Alioune MBAYE [1]
Senghor, chantre de la Négritude, est connu comme un des poètes majeurs du XXe siècle. Mais Senghor dramaturge l’est beaucoup moins. Et pourtant, dans sa carrière d’écrivain, le poète président a été l’auteur de deux pièces de théâtre souvent ignorées, parce que enfouies sous le poids de cinq recueils de poèmes
Si nous nous intéressons encore au théâtre historique d’avant les Indépendances, c’est pour nous focaliser sur un aspect de la production littéraire de Senghor qu’on a peu visité : son théâtre. Notre réflexion portera précisément sur l’une de ses pièces : « Chaka » [2], publiée en 1956, donc en pleine période coloniale dominée par le théâtre de « Ponty » et celui des Centres culturels.
Nous essayerons de montrer que, par son fond engagé et sa technique d’écriture originale, cette pièce, audacieuse, détonnait en son temps tout en innovant.
1. UN FOND ENGAGE.
1.1. « Ponty », sous l’œil du maître
Senghor n’est ni romancier, ni dramaturge. Il est poète. Roman et théâtre demandent du souffle. Le temps est leur allié dans la création. Senghor, parce que ému, fige l’instant qui passe dans le premier jet d’un poème qu’il peaufinera par la suite. Il a opté pour la densité de la poésie, genre difficile mais convenant le mieux à l’expression de sentiments intimes, et par lequel il peut rivaliser avec les maîtres de la langue, loin du discours qui se dilue dans les autres genres. Cela fait que, de 1945, date de la publication de son premier recueil de poèmes (Chants d’ombre), à Lettres d’hivernage publié en 1973, il n’a produit que deux pièces de théâtre : « Chaka », dans Éthiopiques en 1956, et « Élégie pour Aynina Fall » dans Nocturnes en 1961.
S’il a fait cette incursion dans le théâtre, c’est d’abord parce qu’il n’est pas insensible à ce genre