Sylvie
I.- NUIT PERDUE.
Tous les soirs depuis un an, le narrateur va au théâtre, indifférent au spectacle de la salle et de la scène, pour voir une actrice qui joue un rôle secondaire, puisqu’elle n’apparaît souvent qu’à la deuxième ou troisième scène d’une pièce médiocre. Il ne sait pas grand chose d’elle et ne prête guère attention aux rumeurs d’autant qu’un de ses oncles l’a prévenu contre les actrices. En cette période troublée, il trouve refuge auprès des poètes, ivres de poésie et d’amour. Après le spectacle, il rejoint un cercle d’amis qui trompent leur mélancolie dans des débats enflammés. Quand il dit à un homme pour quelle actrice il vient au théâtre tous les soirs, il lui montre le soupirant de l’actrice qui est en train de perdre son argent à une table de whist. Incidemment, le narrateur apprend dans le journal que l’évolution de la Bourse a refait sa fortune. Il pense un temps que cet argent va lui permettre de regagner cette femme mais rejette cette idée d’amour vénal. Puis, dans le même journal, il lit un entrefilet sur la Fête du Bouquet provincial à Loisy. Cela réveille en lui des souvenirs de jeunesse : « c’était un souvenir de la province depuis longtemps oubliée, un écho lointain des fêtes naïves de la jeunesse. »
II.- ADRIENNE.
En rentrant chez lui, il ne peut trouver le sommeil, obsédé par ce souvenir : « toute ma jeunesse repassait en mes souvenirs. Cet état, où l’esprit résiste encore aux bizarres combinaisons du songe, permet souvent de voir se presser en quelques minutes les tableaux les plus saillants d’une longue période de la vie. » Il se souvient, en particulier, d’une fête dans la cour d’un château où de jeunes filles dansaient en chantant de vieux airs du pays de Valois. Seul garçon de la ronde, il était venu avec son amoureuse, Sylvie, une petite fille du hameau voisin mais les règles de la danse l’avaient obligé à embrasser une belle blonde, du nom d’Adrienne. Il avait été d’autant plus troublé que la jeune fille avait