Séquence de sainte eulalie, 881
C’est autour de 878, à Barcelone, que furent trouvées les reliques de la sainte.
La séquence fait suite à cet événement : elle représente la transposition, en langue romane, d’un hymne latin destiné au chant.
Matériellement, le texte se situe dans le prolongement des sermons d’un certain Grégoire de Naziance (traduits du grec en latin), regroupés autour de la Pentecôte, fête des langues. Il n’est pas le seul folio vernaculaire : le manuscrit 150 de la Bibliothèque de Valenciennes, outre son trésor roman (du folio 141 verso), abrite aussi le Rithmus Teutonicus, l’un des premiers monuments de la langue germanique.
Il s’agirait donc d’un talent de multilinguisme sur fond de latin: une tour de Babel où tout le monde s’entend, sous la coupe de Dieu.
Pour chanter ce Dieu plurilingue, il fallait une porte-parole dont la virginité soit exemplaire et l’exemple vierge : la sainteté d’Eulalie a trois ans quand elle inspire la cantilène.
Eulalie est (étymologiquement) « celle qui parle bien »--et dont la vie est parlante. Bonne, belle et chrétienne, elle incarne la résistance au féminin. C’est le langage du corps qui s’avère, avec elle, le plus convaincant. S’il fallait définir son talent par un mot, ce serait : non. Elle n’écoute pas les mauvais conseillers, ne se plie guère aux menaces et ne se soucie point de l’ordre du roi. Maximien a beau maximiser son intervention ; rien n’y fait. Eulalie n’ouvre sa bouche que pour expirer : c’est une colombe qui prend alors son envol. Cette première héroïne romane résiste aux flammes comme elle résiste à la parole : elle a l’immunité des âmes pures.
Pour établir le climat affectif et volitif de cet univers proto-littéraire, l’art de vivre qu’il met en chant, deux références sont indispensables : celle sacrée et celle profane. C’est Eulalie elle-même qui assure la réception de l’une et le rejet de l’autre.
La volonté de Dieu (que nous pourrions traiter sous les auspices du talent) est