Texte bac
DON JUAN. Madame, je vous avoue que je suis surpris, et que je ne vous attendais pas ici.
DONE ELVIRE. Oui, je vois bien que vous ne m'y attendiez pas ; et vous êtes surpris, à la vérité, mais tout autrement que je ne l'espérais ; et la manière dont vous le paraissez me persuade pleinement ce que je refusais de croire. J'admire ma simplicité et la faiblesse de mon coeur à douter d'une trahison que tant d'apparences me confirmaient. J'ai été assez bonne, je le confesse, ou plutôt assez sotte pour me vouloir tromper moi-même, et travailler à démentir mes yeux et mon jugement. J'ai cherché des raisons pour excuser à ma tendresse le relâchement d'amitié qu'elle voyait en vous ; et je me suis forgé exprès cent sujets légitimes d'un départ si précipité, pour vous justifier du crime dont ma raison vous accusait. Mes justes soupçons chaque jour avaient beau me parler ; j'en rejetais la voix qui vous rendait criminel à mes yeux, et j'écoutais avec plaisir mille chimères ridicules qui vous peignaient innocent à mon coeur. Mais enfin cet abord ne me permet plus de douter, et le coup d'oeil qui m'a reçue m'apprend bien plus de choses que je ne voudrais en savoir. Je serai bien aise pourtant d'ouïr de votre bouche les raisons de votre départ. Parlez, Don Juan, je vous prie, et voyons de quel air vous saurez vous justifier.
DON JUAN. Madame, voilà Sganarelle qui sait pourquoi je suis parti.
SGANARELLE. Moi, Monsieur ? Je n'en sais rien, s'il vous plaît.
DONE ELVIRE. Hé bien ! Sganarelle, parlez. Il n'importe de quelle bouche j'entende ces raisons.
DON JUAN, faisant signe d'approcher à Sganarelle. Allons, parle donc à Madame.
SGANARELLE. Que voulez-vous que je dise ?
DONE ELVIRE. Approchez, puisqu'on le veut ainsi, et me dites un peu les causes d'un départ si prompt.
DON JUAN. Tu ne répondras pas ?