. Une révolte contre un ordre tyrannique et dépersonnalisant Thérèse est cette terre aride3 qui attend l’eau. « J’ai été créée à l’image de ce pays aride où rien n’est vivant hors les oiseaux qui passent, les sangliers nomades ». Elle est aussi à l’image de ces animaux sauvages, symboles de liberté. Thérèse est isolée par sa famille qui la considère comme une excentrique, et refuse de ce fait la moindre confrontation. Ce qui dans Jean séduit Thérèse, c’est justement « tant d’impudeur, cette qualité à se livrer… » « Cela me changeait de la discrétion provinciale, du silence que, chez nous, chacun garde sur sa vie intérieure […] Les cœurs ne se découvrent jamais ». Très vite, la vie familiale à Argelouse prend les allures d’un lieu clos, étouffant, pour tout dire d’une prison. « Le silence d’Argelouse ! […] il cerne la maison comme solidifié dans cette masse épaisse de forêt où rien ne vit hors parfois une chouette ululante (nous croyons entendre dans la nuit, le sanglot que nous retenions) ». Argelouse, c’est les pins, le silence, l’ombre, le plomb, l’asphyxie, toutes les caractéristiques de la geôle. Thérèse se sent prisonnière de la propriété à laquelle elle a été sacrifiée. Les pins sont devenus sa prison : « Leur odeur résineuse emplissait la nuit ; pareils à l’armée ennemie, invisible mais toute proche, Thérèse sentait qu’ils cernaient la maison. Les gardiens dont elle écoute la plainte sourde la verraient languir au long des heures, haleter durant les jours torrides, ils seraient les témoins de cet étouffement lent… » Quand Thérèse se rappelle sa vie, plusieurs fois, c’est l’évocation de l’obscurité, d’un lieu clos, d’une asphyxie qui revient : « Dès que je l’ [Jean] eus quitté, je crus pénétrer dans un tunnel indéfini, m’enfoncer dans une ombre sans cesse accrue ; et parfois je me demandais si j’atteindrais enfin l’air libre avant l’asphyxie ». « Elle traversait seule un tunnel, vertigineusement ; elle en était au plus obscur ; il fallait,