Thérèse raquin façon théatre
Scène 1 Camille, Laurent, Mme. Raquin et Thérèse
En revenant de son bureau, Camille amène un grand gaillard, carré des épaules, qu'il pousse dans la boutique de sa mère d'un geste familier.
Camille (montrant l'homme) – Mère, reconnait-tu ce monsieur là ?
Mme. Raquin (regardant l'homme et pensive) – Ce monsieur là ? Non, non je ne vois pas...
Thérèse suit la scène d'un air placide.
Camille (exclamatif) – Comment! Tu ne reconnais pas Laurent! Tu sais le petit Laurent, le fils du père Laurent qui a de si beaux champs de blé du coté de Jeufosse ? Tu ne te rappelles pas ? J'allais à l'école avec lui, il venait me chercher le matin, en sortant de chez son oncle qui était notre voisin, tu lui donnais même des tartines de confitures! Tu t'en rappelles maintenant ?
Mme. Raquin (se souvenant brusquement) – Ah! Mais oui! Le petit Laurent! Qu'est ce que tu as grandi! Cela doit bien faire vingt ans que je ne t'ai pas vu! Mme. Raquin fait alors à Laurent plein de cajoleries.
Mme Raquin (nostalgique) – Je connaissais bien ton père, il avait de si beaux champs... Et tu accompagnais Camille tous les jours à l'école sans oublier la tartine que je te préparais... Comment vas-tu depuis tout ce temps ?
Laurent s'assoit, sourit paisiblement et promène autour de lui des regards calmes et aisés.
Laurent (d'une voix claire) – Je vais très bien, je mène une vie paisible à Paris depuis quelques temps.
Camille (agrandissant les yeux, pinçant ses lèvres et tout fière) – Figurez vous que ce farceur là est employé à la gare du chemin de fer d'Orléans depuis dix-huit mois , et que nous ne sommes rencontrés et reconnus que ce soir! C'est incroyable! C'est si vaste et si important cette administration!
Il continue tout excité de ces retrouvailles.
Camille (en secouant la tête) – Oh! Mais, lui, il se porte bien, il a étudié, il gagne déjà quinze cents francs! Son père l'a mis au collège; il a fait son droit et a appris la peinture. N'est-ce pas Laurent ?