Tombé hors du temps de Grossman
Tombé hors du temps, c’est exactement la sensation que l’on éprouve à la lecture de ce livre. David Grossman y parle du deuil, et du pire deuil qu’il soit donné d’exister, celui de la perte d’un enfant. Dans ce livre, il nous entraine avec lui dans le tourbillon, la tourmente de ce que représente une telle douleur. Le peuple des « sans noms », puisqu'il n'y a pas de mot pour désigner ceux qui ont perdu un enfant, avance en chœur dans ce poème polyphonique qui brasse les souvenirs et les chimères, les regrets et les colères, et trouve un refuge suprême : la langue. Cet écrivain israëlien de renommée internationale était connu comme faisant partie du « camp de la paix ». Notamment lors du conflit armé qui a opposé les soldats libanais aux soldats israëliens en 2006. Il a, comme la plupart des Israéliens, soutenu l'action d'Israël dans le conflit, mais estimait inutile l'extension de l'offensive. Le 10 août 2006, lui et les écrivains Amos Oz et Avraham Yehoshua avaient lancé, d'abord dans un quotidien, puis lors d'une conférence de presse, un appel au gouvernement israélien pour qu'il accepte un cessez-le-feu.
Deux jours plus tard, En pleine nuit, deux soldats frappent à la porte de la maison de David Grossman. Son fils Uri vient de mourir dans l'explosion d'une roquette antichar, alors qu'il participait à une mission contre le Hezbollah. Grossman travaille alors, depuis quelques années, à son grand roman paru en 2011, Une femme fuyant l'annonce. Il en vient à bout, trouvant du réconfort dans l'exercice quotidien d'écrire. Mais l'expérience du deuil lui offre bientôt la matière de son nouveau récit, ce bouleversant livre de sagesse. La mort de son fils est une donnée fondamentale de l’analyse critique que nous pouvons faire de ce texte.
Dans un Duché « hors du temps » semblent reclus les personnages de ce récit, il y a un homme qui marche, sa femme, le centaure-écrivain, la femme aux filets, le cordonnier et la sage –femme, le duc lui-même et