Tous les matins du monde, un récit initiatique ?
Le roman Tous les matins du monde de Pascal Quignard, publié en 1991, apparaît aux yeux du lecteur comme un récit initiatique. Il dévoile en effet peu à peu la signification de ce qu'énonce Sainte-Colombe à Marin Marais au chapitre VIII : « Vous faites de la musique, Monsieur. Vous n'êtes pas musicien. » Cette phrase énigmatique amène le lecteur à bien entendu comparer les deux personnages, mais aussi à s'interroger sur la définition du musicien et de la musique. Entre différences et points communs, nous verrons finalement que le roman est un récit initiatique rapprochant contre tout apparence les personnages et allant au-delà des convergences.
Des divergences incontestables parsèment le texte. Le roman donne quelques indications à ce sujet qui sont soulignées visuellement dans le film de Corneau. Mais alors, de quelles nature sont ces différences ? Comment sont-elles misent en valeur ?
Il apparaît d'abord que la musique – thème central de l'œuvre – n'est pas envisagée, considérée, de la même façon chez les deux personnages. Pour Marin Marais, elle est le moyen de se venger de cet épisode douloureux qu'est la mue ( « il se vengerait de la voix qui l'avait abandonné, qu'il reviendrait un violiste renommé »chapitre VIII) et d'acquérir un statut privilégié.
En revanche, pour Monsieur de Sainte-Colombe, elle est l'occasion d'établir un lien avec l'au-delà, avec sa femme décédée et de faire son deuil. Plus profondément, elle apparaît comme étant son principal mode d'expression, la parole constituant pour une véritable entrave.
Si Marin Marais exprime d'emblée son ambition sociale, son désir de gravir les échelons, Monsieur de Sainte-Colombe démontre à plusieurs reprises une forme de refus de la société. Marin Marais le dit en effet au chapitre VIII, il souhaite être un « violiste renommé » ; il le deviendra d'ailleurs, comme en témoignent les différents postes qu'il occupe au fil des années, toujours en