Un balcon en forêt de julien gracq
2077 mots
9 pages
En 1958, Julien Gracq publie Un balcon en forêt qui se présente comme un récit de guerre à la troisième personne et semble tiré, comme Le Rivage des Syrtes, d’une expérience de l’Histoire. Sept années séparent la parution des deux romans, sept années au cours desquelles l’œuvre romanesque va connaître un changement de cap décisif. Gracq entreprend de transposer entre Meuse et Belgique sa propre expérience de la « drôle de guerre » et de la défaite de 1940. On a souvent appréhendé les deux œuvres comme les versions d’une même histoire tant elles traduisent le même climat singulier et oppressant, la même attente hébétée de la guerre. Le choix du sujet, le lieu du récit, le mode de traitement narratif étonnent peu en vue du reste de l’œuvre de J. Gracq et pourtant, dès sa publication, Un balcon en forêt dérange la critique, déçoit le public, est assimilé à un « exercice de style », à l’une de ces banales « histoires militaires (qui) retombent trop souvent dans la répétition et la monotonie ». En réalité, le roman marque une rupture importante dans l’œuvre et dans l’écriture de l’auteur. Un balcon en forêt est un récit qui commence en 1939, lors de la prise de commandement de l’aspirant ( grade de sous-officier) Grange, pendant la « drôle de guerre », de la maison-forte (blockhaus) des Falizes située dans la forêt ardennaise, et finit le 13 mai 1940 après l’attaque allemande : un coup de canon a éventré le blockhaus, tué deux des hommes de sa garnison et blessé Grange, qui s’endort à la fin - peut-être pour ne plus se réveiller. L’aspect réaliste du récit semblait, pour une partie de la critique, laisser peu de place aux élans lyriques et poétiques des précédents récits de Gracq. L’auteur relate avec humour le quotidien de la petite garnison désoeuvrée (composée de quatre hommes dont Grange), qui colonise le hameau des Falizes assurant auprès des femmes un « intérim exemplaire ». L’auteur fait ici le choix d’un temps du récit et d’une cartographie