Une autre conception du temps. Aimé Césaire nous offre un portrait extraordinaire de Patrice Lumumba, le héros de l’indépendance Congolaise. Il en fait un personnage tragique, qui à l’instar de Phèdre, lutte et se résigne face à une mort qu’il sait aussi proche, qu’inéluctable. On pense aussi aux très belles pages que consacre Ryszard Kapuscinski au temps, dans un ouvrage remarquable (Ebène). Le regretté écrivain polonais montre dans ce livre, fruit de plusieurs années de reportages et de déambulations sur le continent noir, qu’Européens et Africains ont une conception littéralement opposée de cette notion. Les premiers, dans le sillage de Newton, ont à ses yeux une vision mathématique et absolue du temps: il existe en dehors d’eux, il faut donc s’y soumettre. Les Africains eux, le conçoivent de façon plus dynamique: ce temps élastique, subjectif est simplement le résultat d’une action, il disparaît donc, dès lors que l’homme n’entreprend rien ou renonce à elle.
Lumumba, l’homme pressé. C’est à l’aune de cette définition que l’on peut comprendre sans doute plus profondément, les personnages de cette tragédie politique. Lumumba est tout du long, un homme pressé, qui d’emblée est confronté à un certain nombre de difficultés (sécession du Katanga, guerre civile, rivalités ethniques, recrutement des élites politiques, pressions internationales, le système institutionnel dyarchique qui l’oppose en permanence avec le président, etc.). Déterminé, visionnaire, il ne souhaite vivre que dans la hâte: “Il paraît que je veux aller trop vite dit-il à ses ministres. Eh bien! bande de limaçons, oui, il faut aller vite, il faut aller trop vite. Savez-vous combien j’ai de temps pour remonter cinquante ans d’histoire ? trois mois messieurs ! et vous croyez que j’ai le temps de ne pas aller trop vite !”
Le président Kasavubu (Kala-Lubu dans la pièce) finit par limoger un Premier ministre décidément trop agité: “Iléo dit-il à Lumumba est l’homme de la situation, il est calme,