Verlaine, ô triste, triste était mon âme...
Ô triste, triste était mon âme
A cause, à cause d'une femme.
Je ne me suis pas consolé
Bien que mon coeur s'en soit allé,
Bien que mon coeur, bien que mon âme
Eussent fui loin de cette femme.
Je ne me suis pas consolé
Bien que mon coeur s'en soit allé.
Et mon coeur, mon coeur trop sensible
Dit à mon âme : Est-il possible,
Est-il possible, - le fût-il -
Ce fier exil, ce triste exil ?
Mon âme dit à mon coeur: Sais-je
Moi-même que nous veut ce piège
D'être présents bien qu'exilés,
Encore que loin en allés ?
Au 19ème siècle, l’inspiration lyrique se fait plus large & surtout les poètes se libèrent des formes fixes. Verlaine, ainsi privilégie la musicalité au travers de l’élégie : utilisation de vers courts, souvent impairs, un vocabulaire simple & l’emploi de répétition dans les sonorités & dans le lexique.
Dans ce poème, Verlaine fuit la réalité. Il est déchiré entre sa femme Mathilde et son amant Rimbaud, déchiré entre l'homme et la femme, son cœur et son âme. Sa fuite consiste à épancher sa douleur sur le papier et à nous livrer sa grande détresse face à son destin. C'est un poème d'une grande tristesse.
Le poème débute comme un refrain avec de multiples répétitions regroupées par deux. Dans le vers un, tout démarre par l'interjection « O » suivi d'une plainte évoquée par « triste » qui est répété deux fois. Et nous avons tout de suite la raison immédiate de son chagrin au vers deux : « à cause, à cause d'une femme ». Ce refrain est comme une complainte mélancolique et un peu désespérée.
Dans le deuxième distique, la fuite en avant n'a pas résolu ses problèmes. Verlaine le dit lui-même aux vers trois et sept : « je ne me suis pas consolé ». Nous avons une synecdoque : Verlaine est représenté par son cœur : « bien que mon cœur s'en soit allé » (vers 4 et 8). Il se voit comme un être souffrant et fragile. Il dit qu'il ne contrôle pas ses sentiments, qu'il est dépassé par les événements mais ne veut pas faire