Victimes et bourreaux
Françoise SIRONI est maître de conférences en psychologie clinique et en psychopathologie à l’université Paris –VIII. Elle a co-fondé le Centre Primo - Levi, spécialisé dans le soin des victimes de torture et de violences collectives. Elle est directrice du Centre d’enthopsychiatrie Georges - Devereux, à l’université Paris –VIII.
Introduction
Etudier le phénomène de la torture, c’est étudier la part cachée de l’humanité, un des phénomènes extrêmes de la psychologie humaine. Pour le clinicien et son patient, il existe un avant et un après, car la torture marque.
L’auteur met en garde sur le fait qu’il ne faut pas trop mobiliser les affects en étudiant ce thème ; car on est plus facilement manipulable par ce biais. « L’émotion ne peut être complètement rejetée, mais sans perdre de vue qu’elle n’est qu’une des voies d’accès à l’essentiel, qui est la réflexion. » (Lionel Richard « L’artiste et la mémoire » - Libération, 16 avril 1998). « La torture contraint assurément à l’intelligence, elle contraint à penser. » p.12.
Le traumatisme lié à la torture est singulier et « atypique », ce qui a amené l’auteur à une approche spécifique ; tout comme il faut en passer par un questionnement sur le tortionnaire et sur les mécanismes qui le fabriquent. La psychothérapie est également spécifique par le fait que le traumatisme est né d’une situation d’influence avec une intentionnalité malveillante ; ce qui pousse le clinicien à prendre en compte des facteurs autres qu’intrapsychiques. Ce qui signifie qu’il faut tenir compte d’un tiers : le tortionnaire et la façon dont il a été pensé par le patient. D’où la volonté de l’auteur de se rapprocher d’un autre référentiel théorique, la méthodologie élaborée par l’ethnopsyciatrie.
Chapitre I : Torturer : pour faire parler ou faire taire ?
Les principales sources sur la torture telle qu’elle est actuellement pratiquée sont les témoignages des victimes ou des thérapeutes. Les institutions qui les