Vukgy
JACQUES. – C’était il y a quelques années. A cette époque, mon père, possédait une grande plantation de canne à la Martinique et nous y vivions avec ma mère. Etant son fils unique, je devais reprendre la plantation et la faire prospérer à sa mort. Un jour, alors que je me promenais sur le port de Saint-Pierre, j’aperçus une négresse qui descendait la rue, un grand panier sur sa tête. Elle marchait vite, la tête haute, un bras soutenant le panier et l’autre se balançant au rythme de ses pas. Elle avait des pommettes hautes et des lèvres pleines. Sa tête était recouverte d’un foulard marron. Elle s’arrêta en face d’une petite boutique semblant attendre quelque chose ou quelqu’un. Elle déposa son panier sur le sol et fit quelques petits étirements sans doute pour détendre son cou qui devait lui faire mal. Les dames qui passaient dans la rue la regardaient et discutaient entre elles. Elles devaient penser que ce n’était pas correct pour une esclave de s’étirer ainsi dans la rue. L’une d’elle alla vers elle et lui dit quelque chose que je n’entendis pas. Mais j’entendis l’esclave lui répondre qu’elle n’obéissait qu’à son maître et à sa maîtresse. Alors, en colère, la dame la gifla. L’esclave se jeta alors sur le sol et poussa de grands cris. Alertés par les cris, des gens sortirent de la boutique, d’autres accoururent de toute part. Parmi les gens sortis de la boutique, une jeune femme se dirigea vers l’esclave et lui ordonna de se taire et se lever. L’esclave obéit, je supposai que c’était sa maîtresse. La maîtresse gifla l’esclave et partit. La pauvre négresse la suivit la tête baissée, son panier dans ses bras. Elle serait sans doute punie arrivée à leur plantation. La foule se dispersa. Sur le sol, était resté un foulard semblable à celui que portait la négresse. Je m’approchai et le ramassai discrètement. Je regardai autour de moi cherchant l’esclave et sa maîtresse. Je les vis marchant non loin, rentrant sans doute chez elles. Je courrai