L'amitié
« Heureux celui qui a pu rencontrer ne serait-ce que l’ombre d’un ami ! » Ménandre (-IVème siècle).
Introduction.
« Chacun se dit ami, mais fou qui s’y repose : Rien n’est plus commun que ce nom, Rien n’est plus rare que la chose », nous prévient une fable de La Fontaine (Parole de Socrate). Pour Schopenhauer (voir texte en annexes*), parler de rareté est encore trop dire : c’est une impossibilité, thèse qu’il défend dans une page acerbe des Aphorismes sur la sagesse dans la vie. L’égoïsme congénital de l’ho est contradictoire avec la sympathie profonde que présuppose l’amitié. Après avoir affirmé le caractère fabulateur de ce sentiment (« monnaie de singe », « serpent de mer » !), Schopenhauer concède qu’une relation puisse s’enrichir d’un « grain » de sincérité. Mais « l’amitié » repose finalement soit sur un malentendu, soit sur l’ignorance de la médisance de l’ami à mon égard, ou de son plaisir à me voir affligé. Illusion, donc. Pascal écrivait déjà : « Peu d’amitiés subsisteraient si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu’il n’y est pas… ». Or Schopenhauer n’aboutit à cette conclusion que parce qu’il part d’une conception classique et erronée de l’ami comme « alter ego » autre moi -, supposant « une véritable identification de l’ami avec son ami ». Ce n’est pas l’amitié qui est illusoire, mais bien cette conception de l’amitié, qui prête trop aisément le flanc au sombre scepticisme du philosophe allemand. L’amitié est une modalité particulière de relation à autrui, faisant du « prochain » un proche, un intime. L’antique formule « alter ego » nous vient de Pythagore. Elle suggère une communauté de nature, de pensée ou d’intérêt, inspirant une relation privilégiée, une fraternité d’élection (alors que je ne choisis pas mon frère de sang). L’alter ego est donc celui que je présente comme « mon meilleur ami », celui en qui j’ai une absolue confiance. Mais si je prend la formule « alter ego » au sens littéral, elle devient problématique. A-