L'affaire du lotus
[…] La collision, survenue le 2 août 1926, entre le vapeur Lotus, battant pavillon français, et le vapeur Boz-Kourt, battant pavillon turc, a eu lieu en haute mer : la juridiction territoriale d’un État quelconque, autre que la France et la Turquie, n’entre donc pas en jeu […].
Les poursuites pénales ont eu lieu en raison de la perte du Boz-Kourt ayant entrainé la mort de huit marins et passagers turcs.
Les poursuites pénales ont eu lieu en vertu de la législation turque […]. La Cour est appelée à constater si, oui ou non, les principes du droit international s’opposent à ce que la Turquie, en vertu de sa législation, exerce des poursuites pénales contre le lieutenant Demons […].
Or la Cour estime que le sens des mots « principes du droit international » ne peut, selon leur usage général, signifier autre chose que le droit international tel qu’il est en vigueur entre toutes les nations faisant partie de la communauté internationale […]. Le droit international régit les rapports entre États indépendants. Les règles de droit liant les Etats procèdent de la volonté de ceux-ci, volonté manifestée dans des conventions ou dans des usages acceptés généralement comme consacrant des principes de droit et établis en vue de régler la coexistence de ces communautés indépendantes ou en vue de la poursuite de buts communs. Les limitations de souveraineté ne se présument donc pas […].
Il ne s’ensuit pas que le droit international défend à un État d’exercer, dans son propre territoire, sa juridiction dans toute affaire où il s’agit de fait qui se sont passés à l’étranger et où il ne peut s’appuyer sur une règle permissive du droit international […].
Loin de défendre d’une manière générale aux États d’étendre leurs lois et leur juridiction à des personnes, des biens et des actes hors du territoire, il leur laisse, à cet égard, une large liberté, qui n’est limitée que dans quelques cas par des