L'angoisse
-Thème : Angoisse
-Sélection de Poème
Cauchemar
J’ai vu passer dans mon rêve- Tel l’ouragan sur la grève, -D’une main tenant un glaiveEt de l’autre un sablier,Ce cavalier
Des ballades d’AllemagneQu’à travers ville et campagne,Et du fleuve à la montagne,Et des forêts au vallon,Un étalon
Rouge-flamme et noir d’ébène,Sans bride, ni mors, ni rêne,Ni hop ! ni cravache, entraîneParmi des râlements sourdsToujours ! toujours !
Un grand feutre à longue plumeOmbrait son œil qui s’allumeEt s’éteint. Tel, dans la brume,Éclate et meurt l’éclair bleuD’une arme à feu.
Comme l’aile d’une orfraieQu’un subit orage effraie,Par l’air que la neige raie,Son manteau se soulevantClaquait au vent,
Et montrait d’un air de gloireUn torse d’ombre et d’ivoire,Tandis que dans la nuit noireLuisaient en des cris stridentsTrente-deux dents.
Paul Verlaine
Adieu à la poésie
Mes pleurs sont à moi, nul au mondeNe les a comptés ni reçus,Pas un œil étranger qui sondeLes désespoirs que j’ai conçus
L’être qui souffre est un mystèreParmi ses frères ici-bas ;Il faut qu’il aille solitaireS’asseoir aux portes du trépas.
J’irai seule et brisant ma lyre,Souffrant mes maux sans les chanter ;Car je sentirais à les direPlus de douleur qu’à les porter
Paris, 1835
Louise Ackermann, Contes et poésies (1863)
Les corbeaux
Les noirs corbeaux au noir plumage,Que chassa le vent automnal,Revenus de leur long voyage,Croassent dans le ciel vernal.
Les taillis, les buissons morosesAttendent leurs joyeux oiseaux :Mais, au lieu des gais virtuoses,Arrivent premiers les corbeaux.
Pour charmer le bois qui s’ennuie,Ces dilettantes sans rival,Ce soir, par la neige et la pluie,Donneront un grand festival.
Les rêveurs, dont l’extase est brève,Attendent des vols d’oiseaux d’or ;Mais, au lieu des oiseaux du rêve,Arrive le sombre condor.
Mars pleure avant de nous sourire.La grêle tombe en plein été.L’homme, né pour les deuils, soupireEt pleure avant d’avoir