L'art
Georges VIGARELLO, spécialiste de l’histoire de l’hygiène, de la santé, des pratiques corporelles et des représentations du corps, auteur d’une Histoire de la beauté
« La femme, c’est le modèle de beauté absolutisée »
Propos recueillis par Gilles Stassart
Pourquoi l’histoire de la beauté est-elle surtout féminine ?
La beauté est historiquement associée au féminin, la femme, c’est le modèle de beauté absolutisée, indiscutable, renvoyant au divin. Une ligne de partage clair se dessine dès le début des temps modernes : « aux femmes la beauté et l’intérieur de la maison, aux hommes la force et l’extérieur de la maison : intempéries, duretés, agressions ». Nous sommes dans une situation de parfaite inégalité entre les sexes et il faudra des révolutions pour que la beauté ne se code plus à travers le modèle de la femme dominée, du « beau sexe ».
La beauté est-elle le reflet de l’évolution de la ville ?
La fin du XVIIIe siècle va permettre à la femme un certain affranchissement. Au corset rigide se substitue un corset plus souple. Puis, de nouvelles pratiques voient le jour, telles que la promenade.
Vous évoquez la démocratisation de la beauté.
Chacun peut désormais revendiquer la beauté. Aujourd’hui, vous ne distinguez pas une femme des Georges VIGARELLO
milieux populaires de celles des milieux de la moyenne bourgeoisie. La beauté au XXe siècle est caractérisée par un refus de la contrainte, accompagnée d’une déculpabilisation vis-à-vis de la morale. Concrètement, on s’interroge bien plus qu’auparavant sur son propre corps. Sans répondre tout à fait à la théorie de Freud, on essaie de s’arranger entre soi et soi avec une sorte d’inconscient qui serait physique. Ce discours reçu dans tous les magasines a des effets sur la façon dont on vit son propre corps et sur celle dont on conçoit sa propre esthétique.
Ce refus de contrainte permet-il l’accès de la beauté