l'origine de l'oeuvre
Philippe Lekeuche
Cours LPSY1404 « Psychologie, littérature et création »
Deuxième et Troisième Baccalauréats
Quelques réflexions à propos des « Lettres à un jeune poète » de R.M. Rilke, livre contenu dans le portefeuille de lecture
(Sur le rapport entre l’artiste, son œuvre, et ce qui s’appelle vivre)
Les « Lettres à un jeune poète » comportent dix lettres écrites par Rainer Maria Rilke, alors âgé de 28 ans, à un tout jeune homme d’une vingtaine d’années, Franz Xavier Kappus qui lui a envoyé des poèmes et qui est alors élève de l’académie militaire de WienerNeustadt. Elles s’échelonnent de février 1903 à Noël 1908. Rilke n’a jamais pensé que
Kappus publierait ces lettres en 1929. Il répond donc au jeune poète sans avoir en tête la postérité. Pour Rilke, ce sont des lettres qui appartiennent au domaine privé. Il y occupe la position d’un aîné, d’un mentor, qui veut guider le jeune poète dans son rapport à la vie et dans son rapport à l’art, les deux étant liés pour Rilke.
Une idée centrale qui traverse ces lettres, c’est que la création, l’œuvre, provient du plus intime de l’artiste et qu’en même temps elle se situe dans une distance infinie par rapport à sa personne : à la fois proximité et distance infinies (rapport paradoxal) :
I.
Intimité et proximité de l’œuvre : « Tout n’est que porter à terme, puis mettre au monde. Laisser chaque germe de sentiment parvenir à maturité au fond de soi, dans l’obscurité, dans l’indicible, dans l’inconscient, l’inaccessible à l’entendement, et attendre avec une profonde humilité, une profonde patience, l’heure de l’accouchement d’une nouvelle clarté : vivre dans l’art, c’est cela et cela seul : pour comprendre aussi bien que pour créer. » (p. 47). Rilke est très proche de ce que Freud écrit à la même époque sur les racines psychologiques de la création quand il mentionne à
Kappus le rôle de la sexualité dans la création artistique : « Et il est vrai que l’expérience artistique est si incroyablement proche de l’expérience