L’imagination morale se résume-t-elle à la pitié ?
Imagination : faculté de se comparer avec autrui, Rousseau Discours sur l’origine des inégalités parmi les hommes, début 2ère partie.
L’imagination est toujours sensible et la pitié est une manifestation de notre sensibilité.
L’imagination se nourrit de la différence, de l’extraordinaire, du non-habituel chez autrui, non du similaire, de l’ordinaire, de l’habituel. L’imagination est stimulée par un décalage. Je n’ai pas à me mettre à la place de celui qui partage mon sort puisque c’est aussi ma place. L’imagination morale ne procède par du même, mais de la différence. La rareté et le caractère extraordinaire tant de la situation de pitié que de la situation d’exemplarité sont manifestes.
Il faut relever que pitoyable à l’époque classique signifiait : éprouver la pitié envers celui qui souffre ; ce sens s’est renversé pour signifier : susciter la pitié de la part de celui qui souffre.
Fut-ce dans les camps de concentration, les hommes qui souffrent alors pourtant au plus haut point ne peuvent éprouver de la pitié pour ceux qui partagent leur sort. L’habitude tue l’imagination. Seuls ceux qui viennent les délivrer le peuvent.
L’imagination morale ne peut donc opérer que vers le bas (la pitié) ou vers le haut, le modèle, l’exemple, l’héroïsme. Dans un cas, on ne voudrait pas partager le sort du malheureux, dans l’autre, on l’envie et voudrait être à sa place. Mais dans les deux cas, on s’identifie à un autre que soi, on se décentre de soi pour aller vers l’autre. Je me mets à ta place (pitié) ; je voudrais être à ta place (admiration, modèle) sont des démarches mues par notre imagination morale. Ce sont deux formes d’affection, d’amour : charité et admiration. Nous admirons nos modèles et voudrions leur ressembler. Se projeter en l’autre, c’est toujours faire fonctionner son imagination. Si bien que l’imagination morale est mobilisée soit par la pitié, soit par l’exemplarité.
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