NOUVNOUVELLE : La Petite vendeuse de pain
La Petite vendeuse de pain
Elle s’aligna sur le bas-côté de la grand-route. Son visage était plein d’innocence espiègle et de sourires colorés. Ses grands yeux pétillaient comme si elle cherchait quelque chose dans ceux des automobilistes blasés. Le petit couffin blanc, qu’elle avait posé à même le sol, était plein de galettes de pain couvertes d’une grosse serviette pour les tenir chaud. La petite fille criait ses galettes et ses dix ans devant des automobilistes indifférents, pressés et sourds à sa petite voix qui annonçait la présence des pains dans son petit couffin blanc. Son regard s’éparpillait dans les deux sens de la route. Les passagers, regardaient, derrière leurs vitres, son beau visage, indifférents aux galettes délicieuses qu’elle vendait.
– « Il paraît qu’ils n’aiment pas mes galettes, peut-être qu’ils s’en sont gavé avant de sortir ! Pourquoi n’achètent-ils pas de pain pour leurs gentils enfants ? se demandait la petite vendeuse en continuant à présenter sa marchandise.»
Sa voix montait en crescendo et se perdait dans la nature. Voulant profiter d’un moment où aucune voiture ne passait, elle sortit d’une poche de son tablier rose d’écolière les petites pièces jaunes qu’elle avait gagnées pour les recompter. Peu contente de sa recette, elle les remit dans sa poche quand tout à coup, lui passant entre les doigts, quelques pièces fuirent la chaleur de sa petite main et roulèrent dans tous les sens. En larme, la petite vendeuse se leva pour ramasser sa fortune. Une belle pièce blanche, la plus grosse, se dirigea vers le milieu de la chaussée. Elle la suivit dans sa course. Elle ne sentit pas l’approche de la roue pressée.
Quelques automobilistes s’arrêtèrent mais ils ne virent qu’une tache rouge mélangée au hachis de pain écrasé. Les autres galettes étaient encore sur le bas-côté poussiéreux, refroidies, couvertes d’une serviette crayeuse, dans le couffin blanc.
Mohamed Ridha MAHSOUS.
Béja, Tunisie, 1989