R.monnier
(1re partie)
Les scribes du Moyen Âge central ont usé d’un riche vocabulaire pour qualifier les individus formant la couche supérieure de l’aristocratie laïque. À côté des termes qui font ressortir leur « primauté » (optimates, principes, proceres, primores, etc.), d’autres couvrent un champ sémantique plus complexe et posent parfois problème aux historiens qui cherchent à en saisir la portée. Barones est de ceux-là : suivant les sources et les contextes, le mot désigne tantôt l’ensemble des vassaux assemblés autour de leur seigneur, pour l’aider à faire la guerre ou à rendre la justice, tantôt une élite restreinte au sein de la noblesse d’un royaume ou… d’une troupe de chevaliers attachés à une forteresse1. C’est une appellation plus rare, celle de « pairs » (lat. pares, fr. pers), qui retiendra notre attention dans cet article. Souvent interprétée comme un synonyme occasionnel de « barons », elle se distingue pourtant radicalement de toutes les qualifications habituelles du groupe aristocratique, car elle correspond à un titre héréditaire porté par un nombre déterminé d’individus. La « pairie » (lat. paria, paritas ; fr. parie, perie) est une institution au sens strict. Ses premières traces écrites remontent à la fin du XIe siècle. Elle s’est développée au sein d’une aire géographique restreinte, à savoir exclusivement dans les principautés situées entre Seine et Meuse, avec une nette concentration en Flandre, en Artois et en Picardie (voir carte). On rencontre
1. J.F. NIERMEYER et C. VAN DE KIEFT, Mediae latinitatis lexicon minus, éd. remaniée par J.W.J. BURGERS, t. 1, Leyde-Boston, 2002, p. 114-115.
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J.Fr. NIEUS
des pairies aux différents niveaux de distribution du pouvoir : principautés laïques ou ecclésiastiques, comtés secondaires ou simples seigneuries châtelaines. Le système s’inscrit dans le cadre contraignant des