Économistes
[pic]Smith, Marx, Keynes... racontés par Alain Minc
De saint Thomas d'Aquin à Keynes, de Malthus à Hayek, de Smith à Rawls, dans son nouvel essai, « Les prophètes du bonheur » (qui sort chez Grasset le 30 mars), Alain Minc relate l'histoire de la science économique. En exclusivité, Le Point propose trois extraits, illustrant les idées forces de ces penseurs qui ont révolutionné le monde
ADAM SMITH : Disparu en 1790, Adam Smith demeure un homme du XVIIIe siècle : il a, en effet, connu la révolution américaine qui l'a fasciné mais a ignoré la Révolution française qui l'aurait, sans doute, terrifié. Une vie banale en définitive : oedipienne, sage, rangée, besogneuse. Un certain lustre intellectuel, mais sans comparaison avec le magistère d'un Voltaire et même d'un Turgot ou d'un Condorcet. Mais une postérité inattendue et exceptionnelle : Adam Smith, prophète du marché !
Le petit-bourgeois qu'est Smith ne respecte pas les puissances intellectuelles en place. Ainsi fait-il de « La richesse des nations » un manifeste de combat contre le mercantilisme. Celui-ci se résume à trois postulats : l'Etat est le principal acteur économique ; la richesse suppose l'abondance monétaire ; le progrès passe par l'augmentation des exportations et la limitation des importations. C'est une musique qui n'a pas disparu ; elle rime avec nationalisation, laxisme monétaire, dévaluation, ce triptyque de la pensée de gauche dont l'ombre portée s'étend jusqu'à aujourd'hui. Dites à MM. Emmanuelli, Chevènement et consorts qu'ils sont non socialistes, mais mercantilistes, et attendez leurs réactions de vierges effarouchées ! Adam Smith oppose à cette trinité la sienne : l'individu, et non l'Etat, est le principal acteur de l'économie ; la richesse est réelle et ne se confond pas avec une illusion monétaire ; l'échange international n'est qu'un échange parmi d'autres.
Autre posture de refus, moins catégorique, plus nuancée : la réfutation des thèses physiocrates. S'émanciper de Turgot