L'Ombre de l'épervier

entre les générations ...» Alboury, personnage apparaissant/disparaissant mystérieusement, porteur d’un savoir secret («vous savez plus de choses que vous ne le dites» dit Horn, p. 11), interprète les signaux qu’envoie le monde environnant : l’épervier, oiseau solaire, annonce la tragédie et préside à son dénouement (p. 69 et 90). D’autre part, ce monde magico-religieux semble s’enrichir d’emprunts à d’autres mythologies : rappelons que Koltès écrit le texte pendant un séjour marquant en Amérique

les fois que retentit le son magique du cor, nous dressons l’oreille comme un vieux cheval de bataille prêt à recommencer les anciens combats. (…) La jeunesse romantique pleine d’ardeur et fanatisée par la préface de Cromwell résolue à soutenir « l’épervier de la montagne », comme dit Alarcon du Tisserand de Ségovie, s’offrit au maître qui l’accepta. Sans doute tant de fougue et de passion était à craindre, mais la timidité n’était pas le défaut de l’époque. On s’enrégimenta par petites escouades dont

fronts inférieurs que sa tête domine, 740 Ces merveilleux devins, ces initiateurs, En vain du sanctuaire enfermé dans leurs cœurs Ils ont tiré pour nous plus de réponses justes Qu'il n'en sortit jamais de ces trépieds augustes Où la Pythie écume à l'ombre des lauriers. Leur génie échoua sur les germes premiers. Ces vainqueurs d'Apollon n'ont pas compris le monde, Et, grands, ils sont tombés d'une chute profonde. Sans vide ils ont voulu fonder le mouvement ; C'est leur première erreur. Car, sans vide

recommença. Il y eut alors volonté de s'anéantir dans les profondeurs du sommeil. Les hêtres reprirent leur immobilité engourdie. Un calme noya les feuillages, feuilles dans : l'air silence comme une les herbes, la vie qui s'attardait dans l'ombre pâle. Pour un instant seulement. De nouveau, s'élevèrent, plus hautes cette fois. La les rumeurs rigidité des formes dormantes fut secouée d'un frisson qui s'étendit, se posa sur les choses comme un attouchement de mains éparses, et la terre

qui dès ses premiers pas a posé son autonomie. Très rares sont pourtant les romanciers africains qui s’inscrivent en rupture. Tout se passe comme si la stratégie de continuité était le moyen le plus sûr de creuser un écart en toute tranquillité, à l’ombre d’une intrigue conventionnelle qui reprend souvent sans sourciller les clivages coloniaux de la ville et du village, de la modernité et de la tradition, du Blanc et du Noir. Retracer l’évolution du roman africain est un exercice piégé qui s’appuie

notre langage, et seulement notre langage qui prend et garde l’apparence de ce qui frappe immédiatement nos sens autour de nous. Nous ne demanderions à l’art que de nous enseigner l’histoire s’il n’était qu’un reflet des sociétés qui passent avec l’ombre des nuages sur le sol. Mais il nous raconte l’homme, et l’univers à travers lui. Il dépasse l’instant, il élargit le lieu de toute la durée, de toute la compréhension de l’homme, de toute la durée et l’étendue de l’univers. Il fixe l’éternité mouvante

Brangien la fidèle, c’est eux-mêmes que les amants doivent redouter. Mais comment leurs cœurs enivrés seraient-ils vigilants ? L’amour les presse, comme la soif précipite vers la rivière le cerf sur ses fins ; ou tel encore, après un long jeûne, l’épervier soudain lâché fond sur la proie. Hélas ! Amour ne se peut celer. Certes, par la prudence de Brangien, nul ne surprit la reine entre les bras de son ami ; mais, à toute heure, [60] en tout lieu, chacun ne voit-il pas comment le désir les agite, les

verve familière, imprévue et gouailleuse, et d’une caressante ironie, elle se laissait aller pourtant à être séduite quelquefois par des influences sentimentales, intellectuelles ou plastiques, comme si, au fond de sa gaieté moqueuse, traînait encore l’ombre séculaire de la tendresse poétique des aïeules. Et cela la rendait exquise. – 39 – Elle le choyait, désireuse de le conquérir comme les autres ; et il venait chez elle aussi souvent qu’il y pouvait venir, attiré par le grandissant besoin de la

familière, imprévue et gouailleuse, et d’une caressante ironie, elle se laissait aller pourtant à être séduite quelquefois par des influences sentimentales, intellectuelles ou plastiques, comme si, au fond de sa gaieté moqueuse, traînait encore l’ombre séculaire de la tendresse poétique des aïeules. Et cela la rendait 68 exquise. Elle le choyait, désireuse de le conquérir comme les autres ; et il venait chez elle aussi souvent qu’il y pouvait venir, attiré par le grandissant besoin de

tombeau. Le centre représente l’endroit des commencements du temps où le monde était pur et sans usure. On y arrive pour reprendre de nouvelles forces, pour se purifier de ses péchés, pour s’unir avec l’univers ainsi que le fait le père de Nour : « L’ombre emplissait ses yeux comme avant le sommeil. Pourtant, en même temps, une énergie nouvelle entrait par son ventre, par ses mains, rayonnait dans chacun de ses muscles. En lui, tout se changeait, s’accomplissait. Il n’y avait plus de souffrance, plus