Adolphe
Né à Lausanne, Benjamin Constant (1767-1830) est l’un des écrivains majeurs du romantisme européen qui, autrement que Goethe son presque contemporain, explora les subtilités de l’analyse psychologique en même temps qu’il espérait jouer un grand rôle politique. Si elle fut orageuse, sa liaison avec Madame de Staël, de 1794 à 1808, donna naissance à deux grands romans: Adolphe et Cécile (ce drenier a été publié seulement en 1951). Dans Adolphe, roman personnel, se trouve transposée la vie amoureuse de B. Constant avec Charlotte de Hardenberg, Madame de Staël et surtout Anna Lindsay. Même si pour brouiller les pistes, l’auteur invente la fiction d’une rencontre avec un inconnu, Adolphe, dont il publie le manuscrit, on retrouve ici tous les caractères du roman autobiographique, et notamment l’usage du pronom "je". Dans l’extrait qui nous est présenté, ce "je" s’oppose clairement à un "elle" et à des "nous" dont nous essayerons d’expliciter les référents en soulignant les mouvements dans le texte.
Les pronoms de 1ère et 3e personne : "je" et "elle".
Tout au long du texte alternent les pronoms de 1ère et de 3e personnes : la 3e personne est au féminin, car "je" de fait est un narrateur masculin (Adolphe) qui raconte ses amours avec Ellénore : "Je passai quelques heures à ses pieds, me proclamant [...] lui prodiguant mille assurances de tendresse, [...]. Elle me raconta ce qu’elle avait souffert en essayant de s’éloigner de moi..."
Ces pronoms de 1ère et 3e personnes apparaissent selon leurs diverses fonctions dans la phrase : sujet (je, elle) / complément direct ou indirect (me, lui, moi, la...).
L'alternance 1ère / 3e personne est significative : elle donne, dès le début, son rythme du texte et manifeste clairement le rôle égal des deux partenaires et la réciprocité de leur désir et de leur souffrance : dans tout le début du premier paragraphe, à l'amour de "je" répond régulièrement l'amour d'"elle". L'auteur souligne par ces alternances que les