Altérité
Nous sommes obnubilés, au Liban comme dans le monde, par le problème, sinon le danger, que présentent diverses formes d’altérités que nous qualifions arbitrairement de radicales, d’exotiques, d’inquiétantes et d’imprévisibles. Les concepts d’altérité et d’ethnicité sont à la mode en ces temps d’obscurantisme fondamentaliste dans l’affirmation théâtrale de l’identité que produit la globalisation du monde. C’est pourquoi, j’ai choisi aujourd’hui de conter ici mon impuissance à reconnaître l’altérité, vraisemblablement par une naïveté intellectuelle – que l’on pourra juger de goût douteux -, qui me fait croire à l’unité de la nature humaine. Quand je vois les anxiétés et les angoisses que suscite la notion d’altérité, je me dis que je suis un simple d’esprit et donc un « bienheureux » au sens évangélique du terme. Voici des années que je m’interroge sur les causes de cette infirmité qui m’affecte et m’empêche de voir les dures réalités de l’hostilité que peuvent éprouver les groupes humains les uns envers les autres, en raison de spécificités dites anthropologiques ou culturelles. Aussi, ais-je choisi de faire un retour en arrière sur ma vie pour comprendre pourquoi et comment je me refuse encore à reconnaître l’altérité, à l’âge avancé que j’atteins. J’en suis arrivé à la conclusion que je suis resté, au fond de ma conscience, prisonnier de mon enfance et de mes premières expériences du contact avec les autres, hors du cercle familial. En cela, j’ai vraisemblablement suivi les conseils de ma mère qui, sur le beau carnet destiné à recueillir des autographes qu’elle m’avait offert alors que je n’avais que sept ou huit ans, m’avait écrit cette seule phrase : « Puisses tu garder toujours ton âme d’enfant ! ». Est-ce cette innocence de l’enfance que ma mère me recommandait de garder précieusement, en bonne chrétienne qu’elle était et qui n’oubliait pas que le