Anthologie robert desnos
Il avait le cœur sur la main
Et la cervelle dans la lune
C’était un bon copain
Il avait l’estomac dans les talons
Et les yeux dans nos yeux
C’était un triste copain
Il avait la tête à l’envers
Et le feu là où vous pensez
Mais non quoi, il avait le feu au derrière
C’était un drôle de copain
Quand il prenait ses jambes à son cou
Il mettait son nez partout
C’était un charmant copain
Il avait une dent contre Étienne
À la tienne Étienne, à la tienne mon vieux
C’était un amour de copain
Il n’avait pas sa langue dans la poche
Ni la main dans la poche du voisin
Il ne pleurait jamais dans mon gilet
C’était un bon copain
C’était un bon copain.
Langage Cuit (1923)
Toi aussi tu viendras où je suis
Aujourd’hui, je me suis promené avec mon camarade
Même s’il est mort,
Je me suis promené avec mon camarade.
Qu’ils étaient beaux les arbres en fleurs,
Les marronniers qui neigeaient le jour de sa mort.
Avec mon camarade, je me suis promené.
Jadis mes parents
Allaient seuls aux enterrements
Et je me sentais petit enfant.
Maintenant, je connais pas mal de morts,
J’ai vu beaucoup de croque-morts.
Mais je n’approche pas de leur bord.
C’est pourquoi tout aujourd’hui,
Je me suis promené avec mon camarade.
Il m’a trouvé un peu vieilli,
Un peu vieilli mais il m’a dit :
Toi aussi tu viendras où je suis,
Un dimanche ou un samedi.
Moi, je regardais les arbres en fleurs,
La rivière passée sous le pont,
Et soudain, j’ai vu que j’étais seul.
Alors je suis rentré parmi les hommes.
État de veille. (1938)
Un jour qu’il faisait nuit
Un jour qu’il faisait nuit,
Il s’envola au fond de la rivière.
Les pierres en bois d’ébène
Les fils de fer en or
Et la croix sans branche.
Tout rien.
Je la hais d’amour comme tout chacun.
Le mort respirait des grandes bouffées de vides
Le compas traçait des carrés et des triangles à cinq cotés.
Après cela, il descendit au grenier.
Les étoiles de midi