Aurélien est l’avant-dernier roman du « Cycle du Monde réel », écrit en 1944, et réécrit en 1966. Aragon dit à propos de ce roman que « l’impossibilité du couple est le sujet même d’Aurélien ». On s’attend à une narration réaliste en raison du titre « Cycle du Monde réel », et de fait l’incipit est plus ou moins traditionnel. Nous attendons également une intrigue amoureuse. Mais il y a une complexité de la relation entre narrateur et personnage : à travers ce récit de pensée, on peut voir une crise du héros, une crise du réalisme-socialisme. Le personnage d’Aurélien est le point focal des hésitations du narrateur. Aurélien éprouve des réticences intérieures, il est habité par son passé, son histoire qui l’empêche d’avancer, chose emblématique de l’état d’esprit d’Aragon à cette époque et des romans de la période 1944-66. Tentation de la tragédie dans cet incipit, où la fatalité est figurée par les forces de l’Histoire. Cette tentation tragique suppose le sentiment amoureux et son impossibilité.
Nous verrons dans une première partie le portrait pas si partielle de Bérénice, puis dans une seconde partie, la difficile analyse de soi.
I Une tentative de portrait
Cf. les grandes phrases de rencontre amoureuse : « Il parut alors une beauté à la Cour… » (La Princesse de Clèves de Mme de Lafayette), « Ce fut comme une apparition… » (L’Education sentimentale, Flaubert)…
A/ Une vision fragmentaire relevé des éléments du portrait. On a une vision partielle du portrait de Bérénice, qui devient de fait un non-portrait une vision contrastée : le prénom résonne sur un mode royal et oriental, en faisant référence à une légende antique. Il renvoie à tragédie classique (cf. le vers), mais également à l’état d’Aurélien (« Longtemps errant… » caractérise également le personnage d’Aurélien). Ce prénom est en somme un déni de réalité.
Ecart très net entre le personnage et le nom, qui entraîne de facto la fascination. Echec de la mémoire qui provoque la cristallisation (terme de