Barthes - sur racine

9437 mots 38 pages
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ROLAND BARTHES
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SUR RACINE

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Avant-propos

L’auteur français qui est le plus lié à l’idée d’une transparence classique est le seul qui ait réussi à faire converger sur lui tous les langages nouveaux du siècle.
Transparence : valeur ambigüe. Elle est à la fois ce dont il n’y a rien à dire et ce dont il y a le plus à dire.
La littérature est à la fois sens posé et sens déçu, et selon cette définition Racine est le plus grand écrivain français ; art inégalé de la disponibilité, qui lui permet de se maintenir éternellement dans le champ de n’importe quel langage critique.
L’écrivain interroge sous le couvert d’affirmer ; le critique répond sous couvert d’interroger.
Allusion et assertion, silence de l’œuvre qui parle et parole de l’homme qui écoute, tel est le souffle infini de la littérature dans le monde et dans l’histoire. Racine a honoré parfaitement le principe allusif de l’œuvre littéraire, et engage le critique à jouer pleinement son rôle assertif.

I. L’homme racinien 1. La structure

Les trois Méditerranées de Racine : l’antique, la juive, la byzantine. Mais poétiquement, un seul espace, complexe d’eau, de poussière et de feu.
Les grands lieux tragiques : des terres arides, resserrées entre la mer et le désert, ombre et soleil portés à l’état d’absolu.
La tragédie racinienne s’accorde à la petitesse violente de la Grèce, aux lieux que Racine n’avait jamais vus (Thèbes, Buthrot, Trézène). Phèdre se meurt à Trézène qui est un tertre aride, fortifié. Vie dans l’ombre, ombre qui est à la fois repos, secret, échange et faute ; le soleil est un fait extérieur, net et pur, dépeuplé.
L’habitat racinien ne connaît qu’un seul rêve de fuite (voir Iphigénie, tout un peuple reste prisonnier de la tragédie parce que le vent ne se lève pas).

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La

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