Beaudelaire
André Durand présente
‘’Parfum exotique’’
sonnet de Charles BAUDELAIRE
dans
‘’Les fleurs du mal’’
(1857)
Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne, Je respire I'odeur de ton sein chaleureux, Je vois se dérouler des rivages heureux Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ;
Une île paresseuse où la nature donne Des arbres singuliers et des fruits savoureux ; Des hommes dont le corps est mince et vigoureux, Et des femmes dont l'oeil par sa franchise étonne.
Guidé par ton odeur vers de charmants climats, Je vois un port rempli de voiles et de mâts Encor tout fatigués par la vague marine,
Pendant que le parfum des verts tamariniers, Qui circule dans I'air et m'enfle la narine, Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.
Commentaire
Ce sonnet ouvre, dans la section ‘’Spleen et idéal’’, un cycle de poèmes qui sont consacrés à Jeanne Duval, la superbe mulâtresse que Baudelaire appelait «la Vénus noire», avec laquelle il eut une liaison orageuse de 1842 à 1855, mais qui fut le grand amour de sa vie. Il voulut ici célébrer celle qui lui rappelait l’évasion exotique qu’il avait connue au cours de son voyage aux îles de l’océan Indien. Il voulut essayer aussi d’expliquer l’enivrement et le vertige de sa passion pour celle qui représentait pour lui la sensualité. Il avait écrit dans ‘’La chevelure’’ : «Comme d’autres esprits voguent sur la musique» / Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum».
Le poème met en évidence le pouvoir magique de son odeur corporelle, créatrice d'une vision de bonheur dans un univers harmonieux et riche en correspondances devant lequel la femme s'efface très vite, car, si Baudelaire trouva son inspiration dans les intimes profondeurs de son âme, il se garda bien de jeter en pâture à la curiosité publique une aventure personnelle. Et, finalement, s’impose le «parfum exotique» qui donne au poème son titre .
Aucun