Benjamin lambert
Des huis clos, Roman Polanski en a filmé souvent. Dans des espaces rétrécis et cauchemardesques (Répulsion, Le Locataire, Rosemary's Baby). A ciel ouvert, parfois : le voilier du Couteau dans l'eau, le château de Cul-de-sac. Ou en mêlant les deux : la villa cernée par le vide dans son superbe The Ghost Writer, il y a peu. Dans Carnage, le théâtre de l'affrontement est un appartement soft, clean, new-yorkais, vaguement effrayant dans son ordre revendiqué, dans son faux bon goût et sa culture ostentatoire, soigneusement étalée, sous forme de catalogues d'art, sur la table basse du salon. Un peu tendus (elle, surtout), Penelope et Michael y accueillent Nancy et Alan (plus décontractés, surtout lui). Lors d'une bagarre, quelques jours auparavant, dans un square, le fils des visiteurs a cassé deux incisives à celui des visités. Excuses. Regrets. Café. Clafoutis aux pommes et aux poires... Les deux couples font bonne figures ; ils essaient, en tout cas, de faire semblant : on est entre gens civilisés, n'est-ce pas, et la barbarie ne passera pas...
Seulement, chez Yasmina Reza (Polanski a adapté sa pièce Le Dieu du carnage), un mot en précède un autre, qui en entraîne un troisième, et les trois se transforment en bombes à retardement. Comme la frustration rôde et l'hystérie menace, le vernis se craquelle vite et les belles manières s'évanouissent : alors, Penelope (Jodie Foster) hurle, Nancy (Kate Winslet) vomit... Ce sont les femmes qui se déchaînent, s'exaspèrent, se révoltent. Les hommes, eux, jouent plutôt aux philosophes impuissants - notamment Alan (Christoph Waltz), absolument magnifique dans son rôle de fantoche intensément lié à son portable...
De ce sujet apparemment sur mesure pour lui, Polanski fait, curieusement, un film pas assez méchant. Presque un reportage, en réalité, qui, par sa