L'amitié n'est pas seulement un sentiment nécessaire à l'existence des sociétés, elle est aussi un de ceux qui embellissent et honorent le plus la vie de l'homme. Quant à l'origine ou à la cause de ce sentiment, les uns la voient dans la ressemblance des êtres entre eux, les autres dans le contraste, d'autres en cherchent l'origine jusque dans la nature inanimée; on ne considère ici l'amitié que relativement aux moeurs et aux passions de l'homme. - Il. Il y a trois qualités ou conditions qui font naître l'amitié; ce sont la bonté, l'agrément, et l'utilité. Il faut, pour être amis, qu'au sentiment d'une bienveillance réciproque, fondée sur l'une de ces trois qualités, se joigne la connaissance du bien qu'on se veut mutuellement. -III. Les espèces d'amitiés diffèrent, comme les motifs sur lesquels elles se fondent. L'amitié qui n'a pour cause que l'utilité ou l'agrément, ne dure ordinairement qu'autant que la cause qui l'a fait naître. Les vieillards sont plus portés à rechercher des amis utiles, et les jeunes gens des amis agréables; mais l'amitié la plus parfaite et la plus durable est celle des hommes vertueux, parce qu'elle réunit a la fois les trois conditions qui rendent véritablement digne d'être aimé. - IV. L'amitié fondée sur l'agrément (particulièrement celle que l'on désigne par le nom d'amour) est sujette à s'évanouir, quand les qualités qui l'avaient fait naître ne se trouvent plus dans l'objet aimé. Cependant, l'habitude donne quelquefois plus de durée à cet attachement, et il est plus durable que celui qui n'a pour cause que l'utilité. Ces deux causes peuvent unir entre eux des hommes plus ou moins estimables ou méprisables : mais les hommes vertueux ne s'unissent qu'entre eux, et s'aiment uniquement pour eux-mêmes. - V. Un des caractères de l'amitié, c'est le besoin de vivre avec ceux qu'on aime. L'absence, ou l'éloignement, ne détruit pas toujours ce sentiment, mais il semble au moins le faire oublier. Ce qu'on appelle un simple goût, n'est guère