Toutes les fins particulières se subordonnent à cette fin suprême unique qui n'est plus un moyen en vue d'une fin ultérieure, mais qui est recherché en elle-même et pour elle-même. Nous désirons être heureux pour être heureux. Toutefois, constate Aristote, s'il y a convergence sur le nom de ce bien suprêmement désirable, il y a divergence concernant sa nature. Quel est cet objet mystérieux qui appelle tous nos voeux ? Le stagirite recense les objets possibles et définit sur cette base trois grands types de vie : la vie de jouissance, plus particulièrement propre à la foule, la vie politique, à laquelle aspirent surtout les gens cultivés soucieux de l'honneur, et la vie contemplative prisée par les sages Il examine d'abord la vie de jouissance et s'interroge sur la question de savoir si le désir tend au plaisir comme à sa fin ultime. Aristote ne rejette pas l'hédonisme, car il concède que toute activité sensible ou intelligible s'accompagne de plaisir lorsqu'elle s'exerce dans des conditions favorables, mais il ne saurait consentir à l'assimiler au bien suprême pour plusieurs raisons. La foule qui aspire à une vie de jouissance ne vise pas les plaisirs raffinés de l'intellect, mais les débauches grossières et les ripailles d'un Sardanapale. Or, chaque être vivant a une « hexis », une vertu propre, et l'excellence pour chacun consiste à remplir au mieux la fonction qui convient à sa nature. Une vie de plaisir revient à développer et à porter à son degré maximal la partie sensitive ne nous distingue en rien des bêtes qui éprouvent comme nous des sensations de plaisir et de peine. Grossière et partielle, la satisfaction hédoniste ne saurait convenir à un animal