Bonheur
André Gide, le tourmenté cristallin, a eu cette phrase sobre et limpide, dont la transparence, loin d’être signe de simplicité, laisse entrevoir dans la profondeur un mouvement subtil:
« Du jour où je parvins à me persuader que je n'avais pas besoin d'être heureux, commença d'habiter en moi le bonheur ; oui, du jour où je me persuadai que je n'avais besoin de rien pour être heureux.»
André Gide, Les Nouvelles Nourritures, NRF, 1935, Livre premier, ch. I.
Calvin et Hobbes nous donnent à leur manière une version du même thème:
Celui qui parvient, comme Hobbes, à mettre au silence la ruche mentale qui en demande toujours plus et paye pour prix de son avidité la perte du contact immédiat avec la réalité présente, celui-là sera heureux parce qu'il sera simplement là, et peut-être ne le saura-t-il pas vraiment, mais il sera éveillé à côté de celui qui se berce, douloureusement souvent, dans des rêves illusoires.
Lucidité
Bien que je voulais extraire cette seule phrase de Gide pour la laisser briller dans sa sobre simplicité, je m'aperçois qu'il serait quand même trop dommage de ne pas citer, au moins en partie, le reste du passage qu'elle introduit:
«Il semblait, après avoir donné le coup de pioche à l’égoïsme, que j’avais fait jaillir aussitôt de mon coeur une telle abondance de joie que j’en pusse abreuver tous les autres. Je compris que le meilleur enseignement est d’exemple. J’assumais mon bonheur comme une vocation. (...)
Âme naturellement joyeuse, ne redoute plus rien que ce qui pourrait ternir la limpidité de ton chant.
Mais j’ai compris à présent que, permanent à tout ce qui passe, Dieu n’habite pas l’objet, mais l’amour; et je sais à présent goûter la quiète éternité dans l’instant.» op. cit.
André Gide est un auteur qui m’a accompagné durant plusieurs années, et qui m’a prêté son courage et sa lucidité quand j’en avais besoin pour échapper aux pièges dans lesquels je m’étais empêtré. J’avais établi